Sketchnotes : prenez note de vos idées
Des gribouillis, des flèches et des mots pour mieux penser, créer et mémoriser
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Un tas de LEGO rangé dans un paquet de lessive.
C’est ce qu’on avait quand on était enfants. Des LEGO dépareillés, avec lequel on construisait vaisseaux et autres forteresses invincibles.
Quand on cherche à créer, à inventer ou réfléchir à un problème, notre cerveau peut produire de multiples idées isolées, comme tant de petits LEGO, dont on ne sait que faire.
Et si nous ne faisons rien pour les organiser un peu, pour les ranger, leur donner du sens, elles ont tendance à s’évanouir dans l’oubli.
Et c’est là que les sketchnotes peuvent nous aider. Les sketchnotes capturent les prises de note sous forme visuelles et verbales, ce qui favorise leur mémorisation1, ainsi que la création d’idées nouvelles2. Le concept a été inventé par Mike Rohde.
Les sketchnotes sont des notes visuelles enrichies d’un mélange d’écriture à la main, de dessins, de typographie manuelle, et d’éléments visuels comme des flèches, des boîtes et des lignes
Mike Rohde3.
Voici un exemple sur la construction d'une cabane dans un arbre :
Exemple de sketchnote sur une cabane dans un arbre
Vous pouvez même le télécharger en HD (format A4 en format paysage)
Là où les sketchnotes peuvent nous aider dans toute prise de note, nous allons nous attarder sur celles de nos propres pensées. Et ce dans la lignée de la pensée visuelle :
[…] la pensée visuelle [permet] de découvrir des idées qui autrement ne verraient jamais le jour, de les développer rapidement et intuitivement […]
Dan Roam4
Dans ce post, je vais détailler toutes les étapes pour créer vos propres sketchnotes, pour capturer vos idées et réflexions à la volée. Et vous verrez, pas besoin d’être un artiste accompli pour cela…
Comment créer votre sketchnote ?
Utilisation des mots
Quand vous écrivez, vous faites des phrases. Normal.
Dans un sketchnote, on simplifie. On peut utiliser des mots-clés ou des phrases, mais simples. Le but n’est pas de développer.
La raison c’est que notre cerveau est capable de se remémorer de nombreuses idées derrière peu de mots.
Imaginez cette histoire.
André, le chat de la voisine s’est glissé dans votre appartement. Vous arrivez tranquillement dans votre cuisine, quand vous le voyez sur la table en train de regarder dans un sac en plastique vide.
Voulant vous échapper, il court et se prend la tête dans la anse du sac, ce qui le met en panique. Il renverse le vase sur la table qui tombe à terre et se casse. Il court de plus belle et va jusqu’au salon. Il renverse une pile de livres disposés sur une table basse, monte sur le bureau et renverse votre tisane sur le clavier de votre ordinateur portable. Il finit caché dans un coin prostré.
Vous finissez par le faire sortir, non sans quelques griffures aux avant-bras…
Le lendemain, pendant que vous vous renseignez sur un nouvel ordinateur, vous voyez un sac plastique avec une tête de chat dessus. Vous vous remémorez alors tout l’épisode5.
Voilà, une seule image peut suffire.
Mais aussi parfois un simple mot. C’est ce principe qui est utilisé dans le sketchnote. On gagne ainsi énormément en simplicité. Les notes sont plus rapides, plus efficaces. Nul besoin de parcourir des pages de textes, on s’y retrouve plus facilement dans ses notes.
Les éléments visuels
Quand vous écrivez, vous avez à votre disposition de la ponctuation.
Dans un sketchnote, on va ajouter des codes visuels supplémentaires. Il y en a plusieurs types :
- les connexions : connectent des informations entre elles
- les listes
- les séparations : séparent des blocs d’informations
- les symboles : expriment des idées, mais sous forme d’image ou d’icônes
Mais ce n’est pas tout. Vous voudrez par exemple, mettre de l’emphase sur un élément important. Vous pouvez alors épaissir votre écriture, utiliser une couleur vive ou augmenter la taille de l’élément en question.
En image, je vous mets les codes que j’utilise personnellement. Ils n’ont rien d’obligatoire, mais cela vous donne des pistes.
Codes visuels pour les sketchnotes
Passons à la pratique.
Vous souhaitez construire une cabane dans un arbre. Vous cherchez diverses solutions pour son attache. Il est possible d’utiliser des clous, mais ça peut blesser l’arbre. Il est possible d’utiliser du câble, mais cela nécessiterait de l’acier, alors que vous préféreriez seulement du bois.
Voici ce que votre réflexion pourrait donner :
Utilisez l’espace
Il existe de nombreuses manières d’organiser son sketchnote. Je parle de la manière de répartir l’information sur sa page. Quand on écrit, on suit des lignes de gauche à droite, puis de haut en bas.
Ici, on va changer d’attitude. Déjà, on va plutôt placer la feuille dans sa largeur (format paysage) et non sa hauteur comme à l’accoutumée. Et ensuite, on va utiliser l’espace différemment.
On peut par exemple diviser sa feuille en grands rectangles, on peut suivre un chemin sinueux sur sa feuille, etc.
Voici des exemples de structures :
Exemples de structures générales
ici je vais surtout développer un type particulier d’organisation, car je la pense très efficace quand il s’agit d’organiser ses pensées à la volée.
Je reprends mon exemple sur la cabane dans l’arbre. Vous voulez placer vos idées concernant les attaches, sur votre sketchnote. Prenez un coin, mais pas trop sur le bord non plus. L’idée c’est d’avoir de la place pour développer au cas où.
Chaque information reliée, vient se rajouter sur cette partie. Par exemple, vous découvrez qu’il est possible de sceller une cabane seulement avec des emboîtements, donc sans clous ni câbles. Vous pouvez ajouter cette information au reste, en la connectant.
Exemple d'ajout d'une connexion
Mais désormais, vous viennent des informations qui n’ont rien à voir. Par exemple, il faut choisir l’endroit idéal. Pour passer une belle nuit, il faut un endroit silencieux, dans une belle forêt, mais il faut également pouvoir y transporter le matériel.
Il y a peu de chances que ces informations puissent se connecter avec le sujet des attaches. Autant prendre un nouvel espace vierge de la page, éloigné visuellement du reste.
Au contraire, le plancher de la cabane est un sujet plus proche. C’est un sujet technique, comme celui des attaches, tout en étant un peu nouveau. On place l’information à une distance moyenne.
Vous comprenez le principe ? Plus l’idée est éloignée, plus on l’éloigne. Plus elle est proche, plus on peut la rapprocher. C’est ainsi que les informations finiront par se connecter au fur et à mesure.
Exemple d'emplacements de l'information
Parfois, de nouveaux ponts d’informations vont se créer. Comme le choix de l’arbre. Oui, il faudra bien un moment trouver un arbre propice à la création de votre cabane. Et cette information, celle du choix de l’arbre, a l’avantage de tout connecter.
Cette information se connecte avec le choix du lieu idéal. Il est sûr que vous n’aurez pas les mêmes arbres dans une forêt de sapins, qu’une forêt plus hétéroclite. Mais le choix de l’arbre va grandement influencer la technique pour créer le plancher. Par exemple, il est possible d’utiliser un embranchement de l’arbre, pour y coincer le plancher.
Voici ce que ça donne :
Exemple d'un pont d'information
Les arrangements
Les imprévus
Comme nous créons à la volée, nous ne pouvons pas savoir à l’avance ce qu’il va se passer exactement.
Telle et telle information qui vous semblaient distantes, se retrouvent finalement connectées. Comment faire ? Vous pouvez utiliser la couleur et/ou une icône pour créer la connexion.
Comme ceci :
Sinon, vous pouvez opter pour un matériel plus souple d’utilisation. D’un côté, vous avez le fameux duo crayon à papier et gomme. De l’autre, vous avez l’informatique… Mais dans ce cas, il faut une tablette graphique pour faire apparaître en live ses sketchnotes sur l’écran . Je développe plus loin.
La touche artistique
C’est un aspect facultatif. Vos sketchnotes n’ont pas besoin d’être beaux, ni artistique.
Ceci dit, cela peut être sympa et motivant d’ajouter un peu d’esthétique et de fantaisie visuelle.
Pour cela, il est possible de jouer sur les typographies, les cadres, les bannières, les flèches, les éléments déco, la couleur, les ombres, etc. Des exemples :
Exemple d'éléments artistiques
Et voici quelques exemples de sketchnotes pour vous inspirer quelque peu dans votre recherche artistique.
Pour finir, ce qui fera la différence artistique, c’est aussi le matériel. C’est ce que nous allons voir dans la suite.
La préparation
Se pose toujours la question du matériel.
Et oui, faut-il prendre un cahier ou des feuilles isolées, et quel type de stylo ou de feutres ? J’y répond.
Déjà, ce que vous avez sous la main peut faire l’affaire. Un crayon, une gomme, un stylo peu importe.
Mais vous voulez peut-être aller un peu plus loin.
Utilisez alors un feutre noir fin pour les détails (épaisseur 0.5).
Si vous voulez faire du zèle, vous pouvez utiliser un feutre épais en plus. Mais à ne pas mélanger avec des feutres de couleur, à cause de la tendance à baver (à moins de trouver la combinaison qui fonctionne, on sait jamais). En l’occurrence, j’ai testé avec un PITT B de marque Fabel Castell et je peux dire que les feutres Stabilo bavent dessus.
Pour dessiner des ombres, vous pouvez utiliser un feutre gris clair de type promarker6 ou plus simplement du crayon à papier.
Pour la couleur, utilisez des feutres. En testant avec des feutres Stabilo, j’ai pu remarquer qu’ils ne bavaient pas avec un feutre 0.5 de marque Staedtler.
Après, c’est au choix. Certains n’utilisent aucune couleur, d’autres qu’une seule, et encore d’autres mélangent allègrement diverses couleurs.
Si vous n’êtes pas très expérimentés en dessin, je peux vous recommander d’utiliser peu de couleurs. Même une seule peut faire l’affaire et sert dans ce cas à égayer quelque peu votre image. Dans ce cas, une couleur comme le jaune, le orange ou un pastel quelconque peuvent faire l’affaire.
Pour le papier, cela dépend de votre cas. Un cahier type Moleskine a l’avantage d’être transportable, mais ça peut sembler petit.
Si vous êtes souvent chez vous, il existe des grands cahiers. Personnellement, j’utilise un grand cahier ZAP book en A4 en papier recyclé. Je trouve ça plus confortable.
Pour des réflexions moins importantes, j’utilise également des brouillons (papiers A4 déjà utilisés d’un côté).
Et si je veux vraiment conserver mes notes, j’utilise l’ordinateur, avec une tablette graphique. Avec une tablette Wacom Intuos 3, c’est très très confort… Mais ça peut paraître un peu cher.
L’important avec une tablette graphique, c’est que vous soyez à l’aise avec l’écriture. Une tablette de trop mauvaise qualité ou trop petite pourrait poser problème de ce côté là.
Quant au le logiciel de dessin, Krita est compatible avec les tablettes graphiques.
Gérez vos sketchnotes
Et que fait-on une fois le sketchnote terminé ?
Comment les stocker, les ranger, les ressortir à l’occasion ? Comment les mémoriser si notre projet est complexe ?
En effet, je parle bel et bien de mémorisation. Quand on prend des notes, notre mémoire finit forcément par se morceler un peu. On oublie les détails au fur et à mesure que le temps passe.
Par exemple, sur votre roman futuriste et documenté, vous voudrez peut-être ne rien perdre de vos notes.
Dans le cas extrême du mind map, où seuls les mots clés sont notés, Tony Buzan recommande une relecture juste après, une lecture le lendemain, une la semaine suivante, et enfin une le mois suivant7. Mais comme la lecture est rapide, ça ne prend pas beaucoup de temps.
En plus simple, vous avez8 :
- lecture juste après
- lecture après 3 jours
- lecture après 10 jours
Vous pouvez vous inspirer du système de Leitner pour cet apprentissage espacé.
Pour ranger et retrouver vos sketchnotes, vous pouvez utiliser le principe de l’index. Dans ce cas, soit vos pages sont déjà numérotées, soit vous les numérotez vous-même.
Vous répartissez dans votre index diverses catégories. Laissez de l’espace vide pour remplir au fur et à mesure.
Un exemple fictif de catégories :
- idées d’articles
- boulot
- notes de lectures
- idées pour mon roman
N’hésitez pas à réserver la place pour plusieurs pages d’index.
Et ensuite, dans chaque catégorie, vous indiquez le titre et la page. Par exemple, dans “idée d’articles”. vous notez votre liste de sketchnotes et les pages associées :
- Comment avoir de belles tomates, sans pesticides ? : p. 5, 6
- La meilleure technique pour cultiver sa terre ? p. 8, 9
- Le dossier complet sur les carottes p. 9, 10, 15, 30
Le principe du bullet journal regorge d’idées pour organiser ses notes dans un cahier.
Sur ordinateur, c’est encore plus simple, car vous pouvez créer des dossiers représentant vos catégories.
Petit astuce : écrivez la date à l’envers au début du nom de fichier pour que vos sketchnotes s’organisent en ordre chronologique. Par exemple : 18-05-02_belles_tomates_sans_pesticides.jpg enregistré le 02 mai 2018
Allez plus loin
Mike Rohde est l’auteur de plusieurs livres dont :
En livre d’origine Francophone, vous trouverez : Travailler avec le sketchnoting d’Audrey Akoun, Isabelle Pailleau et Philippe Boukobza
N’hésitez pas à jeter un coup d’œil du côté du bullet journal pour vous en inspirer. Il y a de multiples points communs avec le sketchnoting.
Voilà, vous n’avez plus qu’à noter ce que vous avez compris sous forme de sketchnote. Vous verrez c’est amusant de s’autoriser à créer, à dépasser des lignes habituelles des cahiers.
Allez-y prenez n’importe quelle page blanche, un espace de possibilités s’offre à vous. Là maintenant.
1 : When less is more: Meaningful learning from visual and verbal summaries of science textbook lessons.
2 : Torrance Journal for Applied Creativity p. 13
3 : traduit de l’anglais par mes soins et tiré du livre The Sketchnote Handbook éditions Peachpit Press 2012, par Mike Rohde
4 : Convaincre en 2 coups de crayon par Dan Roam, ESF éditeurs, 2009, traduit de l’américain par Anne Rémond
5 : Memory reactivation effects independent of reconsolidation
6 : Quoi, tu travailles dans l'UX et tu connais pas le sketchnote
7 : Une tête bien faite, par Tony Buzan
8 : Maitrisez votre mémoire avec le space-learning !
Un regard atypique pour changer : vous, votre vie, le monde
Ma vie, c’était comme un vélo crevé, qui n’arrivait pas à rouler. Alors, j’ai cherché des solutions partout. Et j’ai fait de nombreuses découvertes. Comme…
Pourquoi utiliser une “tout doux liste” plutôt qu’une todo list ? Pourquoi la méthode VIF rend-elle plus efficace ? Quel est le mode d’emploi de la bienveillance ? Et c’est quoi la carte du bonheur ?
Puis un jour ça m’est tombé dessus : j’ai découvert que j’étais autiste… Ça expliquait mes difficultés et mon regard tout particulier sur les choses. Aujourd’hui, j’aimerais vous le faire partager. Alors pour commencer à changer… démarrez ici !
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