Neurodiversité : célébrons la diversité des fonctionnements ?

Je suis autiste.

Et certaines personnes se posent la question de l'intérêt d'en parler ? Certains pensent que je m'enferme dans le terme. D'autres que je me conditionne à être autiste. Et d'autres encore que c'est une manière de faire mon intéressant.

Mais si je reste têtu, ce n'est pas pour rien. Si je continue à utiliser le terme et à en parler, c'est qu'il y a bien une raison. Je ne me suis pas levé un matin, en voyant dans un journal mon horoscope qui m'annonçait : vous êtes autiste. Tout ceci résulte d'un très long parcours personnel et qui va bien au delà d'un terme cosmétique, comme je pourrais dire que j'adhère au club des mangeurs de ratatouille.

Je vais donc vous expliquer pourquoi j'utilise le terme. Et ça sera l'occasion de comprendre pourquoi il faut célébrer les diversités de fonctionnement ou pour utiliser le terme approprié, la neurodiversité.

Autiste ou pilote d'hélicoptère, c'est pareil ?

Déjà commençons par les critiques. Sont-elles fondées ? Sur quoi reposent-elles ? Dans quelle mesure faut-il les entendre ?

Certains prétendent qu'utiliser un terme, c'est s'enfermer dedans. Oui c'est vrai. En fait, tous les termes réduisent. Quand vous dites "je", c'est déjà une réduction. Quand vous dites "Je suis web designer", vous êtes déjà dans une réduction.

En fait, il faudrait supprimer tous les mots. Mais allons même plus loin, il faudrait supprimer toute pensée, parce que toute pensée est une réduction de la réalité. Alors on me rétorquera peut-être que web designer, c'est un terme positif et qu'autiste est un terme négatif.

C'est là tout mon propos. Autiste n'est pas un mot négatif, c'est une différence. Bien sûr que j'ai de nombreuses difficultés, la liste est longue. Mais l'autisme ce n'est pas que ça, c'est aussi une autre manière de voir le monde.

Alors oui l'enfermement communautaire autiste est également possible. Il est possible d'être autiste et devenir intolérant au reste du monde. Tout comme il est possible de s'enfermer dans n'importe quelle communauté.

Là encore le risque est partout. Tout le monde appartient explicitement ou implicitement à des communautés.

Et oui encore, on peut se conditionner en se disant qu'on est autiste. Mais à votre avis, pourquoi j'écris sur le sujet des autolimitations ? Parce que j'ai totalement conscience qu'il est possible d'être conditionné par des croyances limitantes.

Mais là aussi, il n'y a pas que l'autisme qui est conditionnant. Si vous vivez à la ville ou à la campagne. Si vous pensez être bon ou mauvais chanteur. Tout ce que vous pensez sur vous peut être conditionnant.

Et enfin, oui aussi, on peut être fier de son autisme. On peut vouloir en parler tout comme des gens peuvent être contents de dire qu'ils sont maçon et qu'ils aiment leur métier. Mais ça n'a rien d'obligatoire. D'autres personnes s'en foutront et d'autres encore en auront honte.

Quoiqu'il arrive, il n'y a AUCUNE spécificité à l'annonce "Je suis autiste", par rapport à l'annonce "je suis pilote d'hélicoptère". Et ça sera la même chose pour d'autres particularités comme les TDAH, les dysgraphiques ou les hauts potentiels.

Pourquoi je persiste ?

Alors c'est très bien. On a vu qu'il n'y a rien de mal à dire qu'on est autiste, mais ça ne donne pas de raisons positives. Ça n'explique pas pourquoi je m'obstine. Alors c'est ce qu'on va voir. Et pour ça, je vais vous parler de présupposés.

Si vous demandez la rue de Strasbourg, vous allez présupposer que votre interlocuteur sait ce qu'est une rue. Si vous entendez quelqu'un rire, vous allez présupposer que cette personne est joyeuse. Si quelqu'un vous ignore, vous allez présupposer qu'elle ne veut pas vous parler.

Il est normal d'avoir des présupposés. Cela permet d'interagir plus efficacement, sans avoir besoin de connaître TOUTE la personne. Et si vous faites erreur, vous aurez tout le temps de vous remettre en question. Si votre interlocuteur ne sais pas ce qu'est une rue, vous pourrez lui expliquer.

Mais parfois, ça ne fonctionne pas. Vous avez un présupposé et il résistera aux remises en question. Quand vous voyez que Sébastien ne vous appelle jamais, vous penserez qu'il n'a pas envie de vous parler. Quand vous voyez que Céline ne vous aide jamais à débarrasser la table, vous penserez qu'elle est centrée sur elle-même.

Alors qu'en réalité, Sébastien a des difficultés pour téléphoner et Céline ne sait pas comment s'y prendre pour débarrasser une table. Ça vous parait super étonnant parce que Sébastien est une vraie pipelette quand il s'y met et Céline est super douée pour fabriquer des marionnettes.

La réalité, c'est que Céline et Sébastien sont atypiques, donc tous vos présupposés risquent de tomber à côté. Avec eux, il faut redoubler de vigilance.

Alors bien sûr tout le monde est unique. La question n'est pas là. Il y a des gens qui mesurent 1m72, d'autres 1m73. Et puis des gens qui mesurent 2m20. Et le problème, c'est que vos encadrements de portes, vos luminaires, vos chaises partent toutes du présupposé que vos invités feront plutôt entre 1m50 et 1m90.

Répartition de caractéristiques dans l'autisme

Et quand vous n'avez pas une, deux ou trois particularités hors normes, mais beaucoup beaucoup plus, vous faites quoi ? Eh ben vous vous prenez des murs. Alors soit vous vous cachez tout le temps, vous vous épuisez pour rentrer dans les chaises trop petites. En permanence. Et c'est pas très efficace, parce que les gens auront des présupposés quand même. Soit vous envoyez un signal fort pour dire aux gens "Vos présupposés habituels peuvent vous tromper".

Et c'est ce que je fais en disant "Je suis autiste".

Moteurs de voitures et de bateaux

Si vous partez du présupposé que vous réparez un moteur de voiture, alors qu'il s'agit d'un moteur de bateau, ça ne va pas fonctionner. Ça va vous faire râler parce que rien ne colle.

Pour les personnes atypiques, c'est la même chose. Les gens sont tous uniques, mais avec un fonctionnement qui correspond pour la majorité à un moteur de voiture. Et de temps en temps, vous tombez sur des moteurs de bateaux, d'avions, de mobylettes, etc. Mais comme c'est rare, les présupposés restent toujours calqués sur ceux des voitures.

Alors plutôt qu'être considéré comme une voiture qui ne fonctionne pas, je préfère dire que je suis un bateau. C'est réducteur, c'est imparfait, c'est tout ce que vous voulez, mais c'est bien moins pire que d'être considéré comme défectueux.

Alors je le dirais encore que je suis autiste. Et à chaque fois que j'oserai en parler, ça sensibilisera à la neurodiversité. Ça permettra de dire "L'autisme ça peut aussi ressembler à ça".

Il n'y a aucune hiérarchisation, de mieux ou de moins bien. La neurodiversité, ça inclut TOUT le monde : les citadines comme les voiliers. Et si on veut que les gens comprennent il faudra parler. Et pouvoir dire. Pouvoir se dire. Avec des mots.

Un regard atypique pour changer : vous, votre vie, le monde

Ma vie, c’était comme un vélo crevé, qui n’arrivait pas à rouler. Alors, j’ai cherché des solutions partout. Et j’ai fait de nombreuses découvertes. Comme…

Pourquoi utiliser une “tout doux liste” plutôt qu’une todo list ? Pourquoi la méthode VIF rend-elle plus efficace ? Quel est le mode d’emploi de la bienveillance ? Et c’est quoi la carte du bonheur ?

Puis un jour ça m’est tombé dessus : j’ai découvert que j’étais autiste… Ça expliquait mes difficultés et mon regard tout particulier sur les choses. Aujourd’hui, j’aimerais vous le faire partager. Alors pour commencer à changer… démarrez ici !

Ce contenu est en licence libre CC BY (en bref, vous pouvez utiliser et modifier mes créations en citant Holographik.fr), y compris pour les images et infographies que j'ai créées. Certaines images cependant ne sont pas de ma création, notamment des photos, et sont tombées dans le domaine public.